La Malédiction du Réglage Ultime 👻
ou la chasse aux fantômes
Je l'admets, je passe souvent du temps à décortiquer des concepts ou des modes d'emploi, en me
focalisant sur la compréhension plus que sur l'utilisation.
Que ce soit pour une machine ou pour une technique, c'est un peu comme si j'étais incapable
d'utiliser ou d'employer un truc sans en comprendre les fondement.
Et finalement ça devient paralysant :
- Avant même de commencer à utiliser une nouvelle machine, je tourne autour pendant des semaines,
cherchant à comprendre avant de seulement commencer à enlever le film de l'écran.
- Un nouveau smartphone ? Oulaaa, surtout ne pas bidouiller de partout dans les menus pour
découvrir, je risquerais de tout dérégler et de ne pas réussir à retrouver les réglages par
défaut !
- Entoiler une aile de modèle réduit alors que je n'ai pas exactement le même matériau que
l'auteur du plan, et pas exactement le même fer à entoiler ? Ououlllllaaaaaaa, mais ça ne va
jamais marcher... attendons un peu, renseignons-nous pendant quelques jours, semaines, mois,
années...
- Etc. Etc. ⏳
Si on y réfléchit bien, je pense que c'est plus l'envie de "réussir du premier coup" que le souci
du détail qui crée ce comportement.
Une sorte de tendance au perfectionnisme boostée à l'égo : on a l'impression
qu'on va mieux réussir si on est plus informé, plus équipé, plus ceci, plus cela.
Mais c'est oublier le vieil adage qui est toujours vrai : c'est en forgeant qu'on devient
forgeron !
Espérer la perfection du premier coup sans jamais avoir pratiqué est un mirage coûteux en temps.
Et tout ce temps perdu, c'est autant de pratique en moins pour augmenter ses compétences.
Devenir bon du jour au lendemain
Alors, parmis les lecteurs, il y en a qui ne sont pas vraiment comme ça, en tout
cas c'est l'impression qu'ils me donnent.
Vu d'ici, j'en vois au moins deux : mon pote Turbi, et mon ami d'internet François Cahour
qui répond parfois à cette lettre par mail.
Turbi a une capacité assez incroyable à mener à bien des projets d'aéromodélisme
et de fabrication de machines sur un temps très court.
Il ne s'embarasse pas de la compréhension fine pour se lancer : il prototype, il produit, il
vole. Et il boucle pour améliorer.
Son blog
ProjetCNC est toujours en ligne même s'il
ne l'alimente plus depuis des années, et il construit toujours : en ce moment il fait des
planeurs de 4 mètres imprimés en 3D puis stratifiés ! Et devinez quoi ?
Le
suivant est
souvent mieux que le précédent.
François, lui, s'est spécialisé dans la fabrication et la mise au point de
planeurs pour la voltige, notamment en
montagne, et sa finalité c'est avant tout de voler beaucoup. Donc là encore, j'ai l'impression
qu'il ne s'embarasse pas à cogiter 107 ans pour sortir une idée : il fabrique, il sécurise, il
vole !
Et surtout, il itère.
Et les finitions me direz-vous ? Et la compétence ? Comment savent-ils tout ce qu'ils
savent ?
Leurs modèles sont quand même vachement aboutis, non ?
Mais ça mes p'tits gars, c'est le RÉSULTAT, pas le chemin !
Je cite Turbi sur la page de l'Excalibur : L'excalibur est le résultat d'une longue
évolution de la mini baietz de Patrick Dottax, évolution sur quasiment une dizaine de
modèles.
Il a publié le plan après une dizaine de protos !
Et c'est comme ça qu'on met 10 ans à devenir bon du jour au lendemain 😄.
Accepter l'imperfection pour apprendre plus vite
Reconnaître ce problème de "faux perfectionnisme", c'est un premier pas vers le changement.
Comprendre l'importance de l'action est le deuxième.
Vouloir être perfectionniste sur une machine ou un savoir-faire dont on ne maîtrise pas les bases
n'est ni logique, ni efficace. À la place, je conseille plutôt d'adopter la philosophie "agir pour
s'améliorer" :
-
Accepter l'imperfection : ce n'est pas un échec, mais une étape
nécessaire vers le progrès.
-
Apprendre en faisant : chaque action, même imparfaite, est une occasion
d'avoir un résultat qu'on pourra estimer, pour plus tard l'améliorer (si besoin).
-
Ajuster : plutôt que de chercher à tout prévoir, se concentrer sur sa
capacité à ajuster et à améliorer en continu.
Par ailleurs, sur ce dernier point, ayez toujours à l'esprit la célèbre phrase d'Einstein :
La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent.
(En clair : si ça foire, ne refaites pas pareil en espérant que ça marchera la deuxième
fois 😉)
Bref, que ce soit pour construire un modèle réduit, apprendre une nouvelle compétence, changer de
vie, de métier, de pays, vendre ses compétences, ses produits... ne laissez pas la quête du
réglage ultime vous paralyser.
Lancez-vous, apprenez sur le chemin, aimez le voyage autant voire plus que la destination : vous
irez plus loin, plus haut, et deviendrez au final beaucoup beaucoup plus compétent.