Épisode 1
Bon, contextualisons :
En Octobre 2013 a eu lieu la première Maker Faire de France.
En français, un Maker, c'est un Faiseur. Un type (ou une typette) qui fait des trucs
avec ses mains et son cerveau (un gars bien quoi).
Et un Faire, c'est une Foire
Histoire du truc en mode PCR (Père Castor Rapide) :
🦫 Le mouvement des makers a vu le jour aux US et les Maker Faires ont été
crées en 2006 par le magazine Make fondé par Dale Dougherty et Tim O'Reilly.
Dale Gougherty est aussi connu pour avoir inventé l'expression "web 2.0" en 2003. Il a été
pendant près de 15 ans la figure emblématique des Maker Faires.
En 2011 le français Bertier Luyt travaille sur la modélisation 3D du château de Versailles pour
SketchUp (quand je vous dis que ce soft est génial 🏰) et lors d'un voyage aux US, il a l'occasion
de faire un stop à la World Maker Faire de New York.
Et là, choc !
Immersion IRL (In Real Life) dans une utopie.
Ça bricole à tout va, les pionniers de l'impression 3D amateur sont là en chair et en os,
l'ambiance est positivement démente 🤩
Ici les makers sont vus, entendus et compris. Ils ne se sentent plus seul dans leur garage !
Quelle que soit leur originalité, quelle que leur spécialité étrange, il vont trouver des potes
et un public qui s'extasiera devant ce qu'ils font !
Bertier est un entrepreneur dans l'âme : un an après cette visite il crée Le Fabshop pour
distribuer les imprimantes 3D Makerbot (on y reviendra) et négocie la licence Maker
Faire pour organiser des évenements en France.
En octobre 2013 le FabShop organise donc la Mini Maker Faire de Saint-Malo, un galop d'essai. Si
c'est un succès, Paris est en ligne de mire.
Et cette première édition, devinez qui y était ? Bibi ! (et Bibette 💃🏻)
Ne me demandez pas comment j'en ai eu vent, je ne m'en souviens plus. Il y avait un appel à
participants et je venais de débuter la commercialisation de la MiniCut2D v1 avec la première
version de mon logiciel.
C'était une occasion de la montrer au monde et d'avoir du feedback.
Hop, un coup de bagnole avec ma chérie depuis la Vendée et nous voici dans la même pièce
qu'Adrien Grelet qui présentait la première Tobeca.
Et on répond à plein de questions.
Et notamment à celle-ci :
C'est très sympa votre machine...elle est open source ?
(Dit moitié comme une question, moitié comme une évidence.)
Bon, un peu de contexte, bis :
En 2013, cela fait environ 2 ans que les imprimantes 3D basées sur le modèle Open
Source RepRap boument dans le monde et en France (même si le projet date de bien avant).
L'Open Source est à la mode, les médias et les marqueteurs vantent ce modèle comme une sorte de
graal.
Donc ma réponse choque : "Non".
Et quand on me demande pourquoi, je choque encore plus "L'Open Source, c'est pour les
riches !"
Incompréhension de l'auditoire formaté à la bien pensance.
Pourtant derrière ce raccourci provocateur (dites punchline 🥊) il y a une vraie
réflexion, et je m'en vais vous la développer :
D'abord, il y avait - surtout à l'époque, moins maintenant - un amalgame entre Open
Source et gratuit. Un logiciel Open Source n'est pas nécessairement gratuit, une
machine Open Source n'est pas nécessairement gratuite.
Open Source cela signifie que les sources - code pour les logiciels, plans pour les machines -
doivent être fournies à qui les demande et qu'elles doivent pouvoir être réutilisées de façon
commerciale (modulo les spécificités de la licence utilisée).
Pour moi, petit entrepreneur débutant, ça revenait à publier un sur un grand panneau
lumineux :
- Copiez-moi,
- utilisez mon travail,
- et puis tiens, pendant que j'y pense,
- faites donc des ronds avec !
Donc j'étais réticent. Ça me semblait louche.
Et ce d'autant plus qu'un certain nombre des partisans quasi sectaires de l'Open Source
utilisaient des ordinateurs Apple, entreprise bien connue pour son modèle fermé et propriétaire.
(Vous avez dit contradiction ? 😏)
Alors oui, l'Open Source a plein d'intérêts.
Mais pas dans n'importe quel contexte et pas à n'importe quel prix.
Et on verra que l'avenir m'a plutôt donné raison.
Et le gratuit dans tout ça ?
Et bien le gratuit, tu peux l'utiliser mais tu n'en as pas la propriété intellectuelle, donc tu
ne peux pas faire des ronds avec.
Et je ne suis pas obligé de te filer les sources ou les plans (déjà que je t'en autorise l'usage,
faut pas pousser).
Et d'ailleurs d'après mon expérience au niveau des logiciel, 99% des makers et autres bricoleurs
recherchent en première approche du gratuit, pas spécifiquement de l'Open Source.
Il se trouve simplement que la plupart des logiciels Open Source sont disponibles gratuitement
parce qu'il y a toujours un type qui va compiler les sources et les mettre à disposition sur le
net.
Du coup ça c'est un peu mélangé dans l'esprit des gens.
Mais franchement, qui parmi vous va mettre ses doigts dans le code ? Qui sait ce qu'est
un repo Github, un fork, ou simplement une issue ?
Au niveau des logiciels, on apprécie la gratuité qui va généralement avec l'Open Source, mais
l'accessibilité du code on s'en fiche un peu, non ?
Alors quand j'ai codé le soft de la MiniCut2D, je l'ai mis à disposition gratuitement pour que
les makers motivés puissent s'en servir.
Mais je ne voulais pas que d'autres me piquent le code pour faire des sous avec, j'en avais
suffisamment bavé pour le pondre !
De même, je n'ai pas non plus ouvert les plans de la machine. (Et j'ai d'ailleurs pris soin de
déposer une enveloppe Soleau à l'INPI pour qu'on ne puisse pas m'empêcher un jour de la produire.)
Selon moi, quand vos revenus sont directement corrélés au temps passé et au jus de
cerveau que vous avez injecté dans le projet que vous vendez, vous n'avez aucun intérêt à passer
Open Source.
C'est pour ça que je dis que l'Open Source c'est pour les riches : les gens qui codent des
programmes ou produisent des plans libres de droits le font généralement comme un hobby.
Ils ne comptent pas dessus pour payer les factures.
Ou alors ce sont des grosses sociétés qui s'en servent pour voler les idées des autres, pour
faire du virtue signaling, ou pour faire de la guerre économique.
Mais pour un petite/moyenne structure, je pense que rendre libre de droits le code ou les plans
de ses productions n'est pas pertinent.
Et plutôt que de me croire sur parole, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine
pour l'épisode 2 (et final) de cette chronique.
Le Père Castor vous donnera différents exemples qui montrent que j'ai eu raison 🦫
D'ailleurs,
CncFab n'est-elle pas toujours debout 😉
?
Tous les protagonistes de l'époque ne peuvent pas en dire autant.
À jeudi prochain.
Renaud